Table des matières
AGRO-FORESTERIE
Atelier permaculture avec l'association "Sylvilisation" & Olivier Heinry, partie 1 en Août 2020
Il existe des végétaux qui n'aiment pas avoir les pieds dans l'eau, d'autres qui apprécient. Essayer de tirer profit de ces éléments antagonistes, trouver une façon dynamique de créer des zones avec plusieurs fonctions à la fois et qui communiquent : telle est l'approche de la permaculture.
Une approche dynamique et multifonctions
Nous allons faire en sorte que chaque élément apporté (végétal, humain, animal) ait plusieurs fonction à la fois. Cela permet d'avoir de la dynamique, à l'opposé de la logique agricole actuelle qui considère un champ comme une zone où l'on va produire une culture ou deux dans l'année, une variété à la fois, sur une même surface. C'est très monothéiste. Nous allons privilégier une approche holistique pour Kerminy.
Il y a certainement des choses qu'il faut « sacraliser ». Si l'on souhaite obtenir un système écologique qui fonctionne bien autour de cet habitat, nous avons vraiment intérêt à disposer d'un gradient de zones très influencées par l'homme voire dédiées à l'homme et d'autres plus sauvages. Ces dernières font office de « tampon » pour freiner les éléments extérieurs, tel le vent.
Tous les vents dominants en Europe de l'Ouest viennent de l'Atlantique. L'océan est proche. Nous avons un peu de vent du Sud Ouest, du Golfe de Gascogne. Notre hypothèse de travail : plus on ira vers l'ouest, plus on aura du sauvage.
La grande forêt qui est là est naturée, pas naturelle (Zone A). Les précédents propriétaires ont essayé de reconstituer quelque chose qui ait l'air naturel mais qui ne l'est pas. En Europe de l'Ouest : les hêtres sont les arbres qui arrivent à supplanter les autres. Mais ici, les essences sont variées. Grâce à l'intervention humaine, nous pouvons préserver un équilibre et de la diversité. A l'inverse du chêne qu'on trouve partout en France, le châtaigner est l'essence locale la plus répandue, l'arbre typique de Bretagne. Il permet de faire du bois et de l'ombre. Il apporte de la matière organique c'est-à-dire qu'il améliore les sols. Il produit des châtaignes, qui sont des fruits propres à la consommation.
La forêt, source d'aménités
La forêt est très haute et garde beaucoup de lumière. Elle pourrait abriter des cultures de champignons. C'est une piste. On pourrait aussi y suspendre des hamacs. C'est ce qu'on appelle les « aménités ». L'ingénieur agronome Marc Dufumier a introduit ce terme après un premier voyage à Madagascar, qui lui a ouvert les yeux sur les pratiques traditionnelles. Il désigne des choses agréables pour l'humain. Ainsi, une forêt peut simplement apporter du repos. A l'ère du réchauffement climatique, la forêt apporte de la fraîcheur.
L'idée que je propose, c'est de travailler sur la lisière [le trajet de l'eau est matérialisée en bleu]. Le ruisseau collecte l'eau de ce bassin versant. Le point le plus haut est à 136 mètres et autour, ça descend. Il y a des plantes bio-indicatrices comme le jonc (tige verte et sombre). Partout où vous en voyez, vous aurez de l'eau jusqu'à la cheville six mois dans l'année. C'est une zone peu propice à la culture. On peut y faire pâturer les bêtes et faucher au printemps.
Une zone de culture méditerranéenne
Je reviendrai après sur la zone autour du manoir, car elle est plus complexe. Nous avons aussi une zone en contrebas intéressante. Nous pourrons profiter de la zone de réchauffement procurée par les pierres pour implanter une culture méditerranéenne (Zone D). Bien que le climat de Kerminy soit océanique : beaucoup d'eau, des hivers doux, une amplitude thermique assez faible. Il faut savoir qu'il tombe à Montpellier autant d'eau qu'à Nantes chaque année. La pluie est juste concentrée sur dix jours et pas sur six mois.
Nous allons donc profiter de la chaleur et du fait que l'espace est abrité des vents dominants du Nord et de l'Ouest pour produire comme à Bordeaux. Dans ce jardin méditerranéen pousseront des oliviers, figuiers, abricotiers, vignes, pêchers, coings, azeroliers, aloe vera, lavande, hysope (de la strate la plus haute à la plus basse). Nous pourrons avoir un jardin d'officinales, c'est-à-dire de plantes à usage médical mais plutôt d'origines méditerranéenne et semi-désertique.
Nous pourrons aussi utiliser la façade du château pour faire pousser de la vigne. En hiver, la vigne perd ses feuilles : on gagne donc en lumière et en été, son feuillage apporte de la fraîcheur. On vise toujours à trouver un double usage. Quant au mur, il va soutenir cette terrasse et apporter de la chaleur pendant la nuit à des plantes gourmandes en calories. C'est comme les murs à pêche de Montreuil : ils ont été peints en blanc pour refléter la chaleur, ce qui permettait de cultiver des pêches à une latitude où elles ne poussent théoriquement pas.
En permaculture, on réfléchit par zone et par fréquence. La première zone est celle de l'habitat. On y met les officinales, les herbes aromatiques et des rosiers : tout ce qui est accueillant et qu'on utilise tous les jours. Si on continue un peu plus loin dans le bas, nous avons a une zone très humide l'hiver. Là où rien ne pousse, cela veut dire que le terrain a été inondé. Nous pouvons en tirer un avantage. S'agissant d'une prairie humide, on pourrait cultiver des prêles, des consoudes et dans la partie haute, des orties qu'on va utiliser pour faire des préparations pour agrader les sols. Ces dernières seront utiles dans le cadre d'une production maraîchère ou si on veut faire de la biodynamie, pour avoir une production de plantes aidant d'autres plantes.
On peut créer une zone humide ou l'entretenir pour pouvoir y implanter ou faire pousser des plantes dont on va utiliser la capacité à résister à l'humidité pour la transmettre aux plantes des zones de maraîchage intensif [Ça correspond à la prairie située au Sud de la bâtisse en ruines]. J'ai juste commencé à mettre des gradients. L'idée serait peut être de réduire le grand espace vert de prairie et d'avoir deux bandes de maraîchage.
Question : pourquoi gardes-tu une bande entre les deux zones de maraîchage ?
Parce que tu as des arbres de plus de 20 mètres. A mi-saison, ils fournissent beaucoup d'ombre. Comment faire des primeurs dans ces conditions? La solution serait de couper en deux l'espace avec dans le bas des cultures vivrières traditionnelles qui sont des cultures de long terme : chou, chou perpétuel et carottes selon le sol. On veut préserver l'existant et s'appuyer dessus : on ne va pas couper les arbres. En revanche, on peut couper la tête des cerisiers décoratifs et les greffer en couronne. Ca permettra de faire une zone vivrière avec des cerises comestibles, sachant que les cerisiers feront quand même des fleurs. Page 177, il est expliqué comment associer culture maraîchère ou de fleurs avec des arbres pour apporter de l'ombrage l'été. On va pouvoir mettre des arbres fixateurs d'azote aérien (l'azote est le principal constituant des feuilles, c'est ce qui structure les plantes avec le carbone). Le problème de l'azote est surtout qu'en Bretagne, il reste très peu dans les sols. Il est apporté de manière chimique : cela booste les plantes, mais ça les fragilise. L'idée est de travailler sur du long terme en plantant des arbres à feuilles caduques : les feuilles vont déposer leur matière sur le sol et le rendre plus riche. Il faudra aussi travailler sur le mycorhize c’est-à-dire sur l'association entre les racines et les champignons. Ces derniers n'ont pas besoin de lumière pour se développer. Par contre, certains champignons se fixent sur des racines pour fixer l'azote aérien. Ils transmettent l'azote aux arbres qui, en échange, leur donnent du sucre. L'idée serait donc de raccourcir cette bande pour qu'il y ait moins d'ombrage pour pouvoir redévelopper du maraîchage plus haut un jour.
Une prairie de haies fruitières
En permaculture, les zones les plus lointaines de notre habitation ou de notre lieu de travail (ici, les deux à la fois) contiennent les choses dont on a besoin le moins souvent. Cela permet d’économiser son énergie.
La première prairie à droite de l'allée pourra être transformée en prairie de haies fruitières (zone H) : on va éviter le verger traditionnel, avec des rangs mono variétaux (comme de la granny smith ou de la golden). On va plutôt alterner des variétés différentes, en ayant un arbre fixateur d'azote et un arbre de type poirier, pommier, abricotier, pêcher…. Parce que les arbres de variétés différentes ont des besoins différents, on épuise moins le sol.
Surtout, on va travailler sur plusieurs strates, avec une orientation Nord-Sud. Cela permet d'avoir le maximum de surface de feuilles exposées au soleil dans une journée en faisant le minimum d'ombre aux voisins. L'écart qu'on va mettre ici est celui qui correspond au passage d'un tracteur (barre de coupe). Je suis parti sur 13 mètres. Si vous mettez des animaux là où vous venez de planter, il faudra beaucoup de barrières. Une fois que le verger aura plus de cinq ans, les arbres pourront résister à l'abroutissement, c'est-à-dire le fait que le bétail broute les branchages. Car si on donne le choix à des vaches ou des moutons, elles préfèreront toujours manger des jeunes feuilles de pommier plutôt que de l'herbe. Il existe bien une race de mouton anglais qui n'aime pas manger l'écorce, le shropshire. Il vaut 500 euros pièce et il y a très peu d'éleveurs en France.
Un verger semi-productif et autonome
L'idée serait donc d'avoir un verger dans un modèle semi-productif qui devienne autonome d'ici à quatre/cinq ans. Il faudra donc sélectionner des variétés résistantes à la sécheresse, aux maladies et qui ne poussent pas trop vite. On dessinera aussi un profil de haies où l'on va combiner des plantes qui s'élèvent à trois/quatre mètres tout au plus, car après, c'est compliqué d'aller ramasser des fruits. Typiquement, les poires et les pêches sont très fragiles : si vous les faites tomber vous faites de la compote.
Si vous voulez les vendre à l'extérieur pour alimenter un revenu, il faudra les récolter manuellement. On va donc alterner des arbustes de trois/quatre mètres avec de plus petits arbres : groseille, goji, thé… qui vont nous arriver à la taille. En bas on plantera des variétés à ras du sol comme la rhubarbe. On peut envisager des airelles, des fraises des bois, des espèces plutôt sauvages… En bref, des plantes rustiques qui demandent peu d'entretien
Question : pourquoi alterner les arbres fixateurs d'azote et les fruitiers ?
En effet, sur les grands arbres. A l'intérieur, on fera du bourrage entre les grands arbres et les plus petits fruitiers ou d'autres fixateurs d'azote comme les genêts (famille du haricot). Très utile au début car ils supportent bien la sécheresse et le soleil et apporteront un peu de matière organique.
Donc pas que des fruitiers ?
Non, aussi des plantes transitoires, sacrificielles. Par exemple, le noisetier c'est très intéressant, il pousse en abondance. Si on les broie tous les trois-quatre ans, on peut les remettre à zéro. On apporte ce broyat au pied des autres arbres, ce qui entretient les sols, sans apport d'engrais. Il aide à lutter contre la sécheresse et à la croissance. Si on fait du broyat en février-mars, juste avant que les bourgeons débourrent, on aura un maximum d'auxine (une hormone de croissance), qui pourra être utile au fruitier.
La framboise adore aussi grandir au pied des arbres fruitiers. A la base, la framboise est la cousine domestiquée de la ronce (même s'il en existe aussi des variétés sauvages) et elle n'aime pas le soleil. Quand c'est le cas, elle attrape des pucerons. En les laissant en sous-bois, elles vont se propager toutes seules et il suffira de les ramasser. Il sera aussi possible de revendre des plants.
Ce système de haies est un bon compromis entre agroécologie et productivité. La continuité végétale permet de fournir des abris aux insectes. Il existe plusieurs espèces de pucerons : des gris, des verts, des noirs… Ils ne vont pas sur les mêmes arbres aux mêmes périodes. On pourra travailler en lutte intégrée parce qu'on aura fait un design permaculturel. En amont, on aura imaginé comment recréer une symbiose. Les premières années, cela demande un peu de soin en raison de la sècheresse l'été. Si on arrose toutes les trois semaines les jeunes arbres, ils passent l'été et deviennent autonomes. C'est une proposition assez intensive en travail au début, surtout lors de la plantation mais la parcelle deviendra vite autorégulée. Entre cinq et dix ans selon le climat et nos choix.
Des mésanges, des buses et des chauve-souris pour la lutte intégrée
On pourra réintroduire de l'animal sans que cela n'endommage notre investissement dans le végétal. Ce genre de projet suppose la construction de nichoirs dans les arbres pour attirer les mésanges. Un verger d'un hectare nécessite en effet jusqu'à 40 nids de mésanges. La mésange se nourrit de chenilles et de vers. Un couple de mésange qui niche récolte 2000 à 3000 chenilles. En leur offrant un logis, on a la garantie qu'elles restent.
On installera aussi des poteaux de plus de 4 mètres pour les buses. Cela leur offrira des points d'observation pour chasser les mulots et les campagnols. Enfin, on mettra des dortoirs à chauve-souris. Elles sont nocturnes et attaquent la mouche qui pond dans les pommes et poires : le carpocapse. Les boîtes à phéromones, à côté, ce n’est pas très efficace et cher (voir avec Bretagne vivante). Le système d'écholocation des chauve-souris ne marche pas à plus de 30 mètres. Elles ne vont pas trop traverser la grande prairie car elles n'ont pas d'obstacle, donc elles ne savent pas où elles sont.
La forêt vivrière comme logique
La forêt est l'écosystème qui crée le plus de biomasse au mètre carré. En étage, nous avons du feuillage, donc trois étages de photosynthèse (en prairie juste un seul). L'idée est de travailler sur la zone de transition, c'est-à-dire là où il y aura le plus de laisser-aller. Ce sera la zone la plus adaptatrice à l'existant, où on interviendra le moins. Là, vous avez un profil arboré, la strate de canopée (grands arbres), puis la strate intermédiaire dite « arbustive » car les arbres fruitiers sont souvent plus petits que les arbres sauvages. Puis strate « mini-arbustive », strate de graminées et une strate de lianes (vigne, kiwis…).
L'idée est de travailler sur le modèle primitif de la forêt (zone A), et sur la zone de transition entre forêt et prairie. Au niveau de la lisière sud qui est très bien exposée : il faudrait créer des ouvertures, pour redonner de la lumière et réintroduire des strates végétales qui ont disparu à cause de l'obscurité. De l'autre côté, entre la chapelle et la route, la zone de transition entre forêt et prairie est abrupte (sorte de paroi). En travaillant sur un glissement plus qu'une chute, on optimiserait la lumière à chaque strate. On va pouvoir travailler sur cinq strates à la fois.
Question : on replante en lisière sud ?
On peut aussi ne rien faire car les arbres reviendront. On peut se balader avec des noix, des noisettes et des glands et les semer ainsi que des framboises, des pépins de pommes, des abricots et laisser la nature faire. Même si des ronciers viennent, les chevreuils ne vont pas venir manger les arbres. On mange les mûres et on laisse le sureau s'implanter. Celui-ci vit bien en lisière de forêt, au pied de plus grands arbres. Il aide les pucerons donc les coccinelles, les fleurs permettent de faire de la limonade au printemps et les fruits permettent de faire de la confiture, du coulis, des desserts…
Dans la forêt existante, on fera des percées pour stimuler la pousse de strates intermédiaires pour replanter des fruitiers sauvages : néflier (natif d'ici), arbousier. On peut les greffer avec des variétés cultivées, car on a un porte-greffe sauvage résistant aux maladies (sur le sureau on ne greffe pas). Pas besoin d'acheter des porte-greffes qui sont des clones : ils sont issus de semences sauvages, qui ont germé ici car les conditions étaient suffisamment bonnes pour qu'elles poussent. La base est donc saine mais la mise à fruit plus longue. Lorsque l'on greffe sur un pommier issu de pépin, il faut attendre dix ans avant d'avoir une production, versus deux ans pour un porte-greffe issu de l’INRA ou autre. Mais ce dernier nécessitera d'être taillé deux fois par an et traité. Planter des arbres est un acte pour les générations futures.
La lavande et le romarin poussent très bien au pied des grands arbres aussi.
Sur le dessin, la zone « feignante » est très facile à mettre en œuvre le long de la forêt. Ce que vous voyez avec une croix, ce sont des ouvertures lumineuses pour avoir le soleil d'Est et du Sud qui puisse éclairer le sous-bois. Il y aurait donc quelques éclaircissements à faire. On garderait un bel arbre devant puis sur huit ou dix mètres, on couperait tout ce qui a entre les deux et on pourrait réimplanter ponctuellement.
Des bassins piscicoles
Le deuxième bassin au fond, on le gardera plus sauvage. Dans le premier, on pourra avoir de la châtaigne aquatique et remettre du poisson. Dans le modèle médiéval en Europe de l'Ouest, on avait une maison forte, un premier jardin avec les simples (officinales) et, du fait de l’omniprésence du catholicisme, on mangeait du poisson le vendredi. C'est une production de protéines peu encombrante.
L'intérêt de constituer des réservoirs d'eau, c'est que cela offre aux maladies cryptogamiques comme le mildiou, un endroit où s'exprimer. Elles viendront donc moins sur du maraîchage.
Ici, on part sur le jardin clos au nord juste au-dessus du manoir que vous avez déjà investi : c'est l’épicentre (zone B). Zone vivrière avec très peu à faire, avec de la consoude, que l'on fauche. Pareil avec les choux : il faut juste mettre du fumier. Le jardin primeur est abrité et privilégié car proche de la maison. On va le surinvestir (13 planches). On y met de l'effort, mais on en retire du revenu et de la nourriture.
Pour tirer profit des deux ruines qui sont orientées Est-Ouest (au-dessus du parking actuel), on va reprofiter de l'effet de mur, pour recréer le micro-climat méditerranéen. La où il y avait une grange, on remettra des vieilles pierres et, au pied, on pourra faire pousser du basilic, de l'aubergine, du piment, du poivron et profiter qu'il y ait un point d'eau pour mettre ces plantes gourmandes en eau. Par contre, il faudra mettre une haie brise-vent car c'est plein Ouest, donc nous ne sommes pas abrités. Il faudra débâcher la serre jusque début avril, sinon elle va s'envoler (pour l’instant, la serre a été placée à l’est du manoir dans la prairie).
On pourra faire du petit plant, du mesclun. Là, j'avais mis la serre froide, celle qui n'est pas encore montée. Pépinière abritée, on peut éventuellement mettre un toit ouvert pour garder l'eau de pluie et la distribuer en micro-gravité. Le long du mur de la maison des cuisinières dans la ruine de 65 mètres de long, j'avais mis pépinière rustique : l'idée est de profiter de tous les jeunes plants qui poussent au pied des grands arbres pour les mettre en pot et les vendre.
En faisant du glanage, on peut les avoir a disposition dans cet environnement abrité et les entretenir avec de l'arrosage et du paillage facile. A chaque fois que vous mangez des pommes et des pêches vous garderez les pépins et les noyaux… Là tu peux les remettre en pépinière et tu fais un sol léger, avec des voiles d'ombrage si besoin. Le basilic par exemple n'aime pas le soleil direct.
On fait un percement, on ouvre une porte et on peut communiquer aisément du jardin à la pépinière. Il y a les ateliers à côté où l'on travaille intensivement, où l'on a accès à des outils, de l'arrosage, donc on va être dans la zone 2. Dans les bassins, la douve, qui est remplie de matière organique, peut-être à corriger au niveau du PH, on aurait un endroit spatialement très concentré avec des productions très intenses. Un verger qui soit en ligne ou pas en ligne ne va rien rapporter avant sept ou huit ans, sauf le cassis et la framboise.
Mais là, tu peux avoir une rotation rapide pour faire des cultures trois fois par an entre le jardin et ici. De l'Aloe vera par exemple. Si vous partez sur l'idée méditerranéenne, il faudra peut-être faire un étagement ou mettre du sable pour le drainer naturellement. Sinon, faire un ruisseau avec des plantes mexicaines (mais, etc.), des céréales vivaces et un système de phyto-épuration.
Question : peut-on cultiver du sarrasin ?
Il faut juste rappeler que la récolte de céréales, pois chiche, lentilles, ou haricots verts doit être mécanisée, sinon c'est très ingrat…
Atelier permaculture avec Olivier, partie 2
Il y a deux semaines, nous avons recensé les typologies d'espace qu'il y a ici et les plantations déjà existantes. L'idée est de créer un zonage et des perspectives de développement, avec des choses plus faciles à faire ou pour devenir plus rapidement autonomes. Un des principes de réflexion était de créer des zones pour ménager à la fois des espaces sauvages, avec peu de présence humaine. L'autre principe consistait à délimiter des zones qui vont demander beaucoup d'entretien et d'activité humaine comme le maraichage, ou la culture d'herbes aromatiques, qu'on fera pousser au plus proche de là où on habite.
Après l'entrée à droite, sous les grands hêtres, il y a une zone avec des haies. Au Nord cerné de forêt, vous avez un thuya doré, trois fois plus haut que d'habitude et isolé au milieu de la parcelle. C'est un point de vue qui s'impose, donc on pourra aménager un verger en haies fruitières pour avoir à la fois une production arboricole (pommes, poires, prunes, abricots et pêches), les fruitiers les plus répandus, mais d'avoir aussi en pied, (vue en coupe), trois rangs qui font 110 mètres. Le terrain n'est pas rectangulaire, dont un rang est plus court et un au milieu s'interrompt plus tôt du fait de la présence de l’arbre-aura (le thuya)
Des vignes qui poussent à la verticale
est de travailler sur la présence de l'arbre. On va travailler à un espacement de 10 mètres entre chaque grand arbre dans l'espace entre ces arbres, on va implanter une seconde ou une troisième couche. La strate la plus grande avec les chênes, c'est la canopée. En-dessous, on a une strate arbustive de trois-quatre mètres avec la plupart des fruitiers, en-dessous semi-arbustive avec hortensia, fuchsia, petits fruits rouges. On peut aussi mettre des artichauts, des cardes, et éventuellement des couvre-sols et une cinquième strate que l'on peut envisager : kiwaï (kiwi rustique), de la vigne : à la manière antique étrusque, on peut conduire la vigne dans des hautains, comme cela se fait beaucoup dans le Douro au Portugal. En raison du climat océanique, on a intérêt à éloigner la vigne du sol, donc de tirer profit de sa capacité à se déployer en hauteur.
On alterne fauche et roulage (on écrase les plantes) ce qui va permettre de garder tout le système : la vie avec les insectes autour des fleurs et on va passer le bétail à la fin de l'été ce qui permet de conserver la biodiversité. Notamment les coccinelles : elles pondent leurs œufs sur des tiges à plus de 50 centimètres du sol. Si on fait une fauche, on supprime les coccinelles. Or, elles sont essentielles car un des principaux ennemis des rosacés (famille des fruitiers), ce sont les pucerons.
Donc en maintenant une prairie élevée et fleurie, on va maintenir les coccinelles. C'est aussi de la lutte intégrée. D'une année sur l'autre, on va faucher une fois avec ce parcours-là. Et on va rouler (là).
Un inter-rang sur deux roulés, l'autre fauché et l'année suivante, on fait l'inverse ce qui fait que chaque haie a toujours au moins un côté en contact avec la prairie élevée. Et on attend la fin de l'été quand la pression des auxiliaires a chuté pour faire passer les bêtes. Le reste de ce qu'on a fauché, on fait comme d'habitude. Nous avons intérêt à utiliser du sec. On ménage beaucoup d’évolutivité. Avec Geoportail, on a recensé un peu plus d'un hectare et demi. En ayant un traitement du sol d'un mètre pour les fruitiers, on va occuper seulement 700 mètres carrés pour les arbres sur un hectare et demi. Le reste est disposition à la fauche et potentiellement à la culture. Si on veut devenir autonome un jour en céréales par exemple, on a tout à fait la capacité technique pour venir faucher (avec une machine ou en traction animale). Donc on ménage la possibilité de casser la prairie pour cultiver.
Ça peut être du sarrasin : si vous avez planté du blé, de l’épeautre et tout récolté en juillet, vous pourrez semer directement dans le sol sans déchaumer. On refait un semis et avec la pluie, le sarrasin va lever : en 90 jours, on peut arriver à une culture complète.
Le modèle NAP
A l'intérieur d'un rang (c'était le plan global), on va travailler sur un modèle importé d'Amérique du Nord qui s'appelle le NAP (acronyme pour N=Azote (natrium en allemand), A=Apple (pommes et poires) et P=pêches, abricots, prunier (prunus). On parle de « NAP+ » car on alterne un arbre fixateur d'azote, un arbre producteur de pommes et poires et un arbre producteur de fruits à noyaux. La proposition est de ne pas utiliser d’arbre fixateur d'azote car cela suppose d'avoir recours à des espèces d'arbres qui ne sont pas locales.
Sauf le genêt. « Bannalec » est une ville proche d'ici qui signifie «les grands genêts ». Le genêt est une fabacée, de la famille du haricot. Il est fixateur d'azote aérien. Alors que 70% de l’atmosphère est composée d’azote, celui-ci est rarement disponible dans le sol. Aucune plante n'a la capacité de fixer l'azote aérien dans le sol. Seuls les champignons y parviennent. Petite astuce : quand vous trouvez des nodules sur les racines d'une fabacée, vous les couperez en deux. S'ils ont une couleur rosée, cela signifie qu'ils auront fixé l'azote. Autre chose à savoir : quand vous implantez un fixateur d'azote, donnez-lui de l'azote quand il démarre. Si on exclut l'azote minéral, il faut passer par de la fumure animale (c'est la vache qui marche le mieux).
L'alternance permet de fixer l'azote et éviter la propagation des maladies. On peut supprimer les arbres fixateurs d'azote et les remplacer par du kaki, du cerisier, qui sont des arbres d'un autre genre donc qui n'ont pas les mêmes maladies…Le kaki par exemple est une sorte d'ébène. Cela a revient à créer des sortes de firewall entre nos arbres. Au niveau du sol, on est plus dans l'optique d'un proxy, avec du genêt et du petit fruit qui aime l'ombre. Les framboisiers et les cassis n'aiment pas trop le soleil mais plutôt les sols humifères. Pour avoir de l'humus, il faut des grands arbres à feuilles caduques, qui tombent à l'automne et qui créent une litière. Très rapidement, cela crée un substrat. Tous ces arbustes vont bien s'implanter, être productifs et résistants aux maladies.
Sur le schéma, en noir, j'ai fait figurer des poteaux qu'on va placer au-dessus de la cime des plus grands arbres pour les buses. A raison d'un ou deux poteaux par rang, en quinconce, on permettra aux buses d'avoir un point de vue à 15 mètres. Sur 1,5 hectare, on va aussi implanter une vingtaine de nichoirs à mésange.
Pour protéger les arbres des chevreuils et des biches, on installe des poteaux avec du plastique et du grillage. C'est l'écorce qui est fragile, mais au bout de trois ans ils s'en détournent. Sinon, on peut utiliser une recette allemande médiévale (disponible sur permaculturedesign.fr). Enfin pour lutter contre le carpocapse (principal ravageur de la pomme, poire et pêche), on va installer des dortoirs à chauve-souris.
Autre principe : dans la sélection des fruitiers, on va faire en sorte de mettre les variétés les plus précoces au Sud et les plus tardives au Nord. De la même façon qu'on va implanter les arbres les plus petits au Sud pour ne pas faire de l'ombre. Dans le principe, plus on est grand, plus on est tardif en saison, plus on va être planté près de la forêt. C'est un principe d'optimisation car l'exposition foliaire doit être maximale pour avoir un rendement en photosynthèse maximal (…).
Dix tonnes de pommes en 2035
Avec un entraxe de dix mètres, dans 15 ans, on pourra avoir des pommiers qui produiront 500 kilos par an en moyenne. Avec 15-20 pommiers (en tenant compte des années creuses et pleines), on peut tabler sur dix tonnes de pommes en 2035 dans ce verger. On peut produire du jus, en période creuse de maraichage. On peut choisir des variétés de poires mures en décembre plutôt que des williams mures en aout. Et pourquoi pas construire un fruitier avec les pierres disponibles ici pour garder les fruits au frais ?
Pour le kiwi, idem : on les récolte à partir de la première gelée, mi-novembre. On peut installer des séchoirs solaires pour faire nos pruneaux ou des raisins de Corinthe (sans pépin, ils sont très pratiques en cuisine). La piste du séchoir solaire a été mise en place avec succès par un constructeur bois nantais. On a aussi fait un itinéraire technique sur les amendements du sol, les quantités qu'il faut avoir, une estimation avec différentes options, notamment des choses qu'on peut stocker. On peut apporter du basalte micronisé : c'est une substance qui aide les grands arbres à se développer dans la durée ou de l'argile bentonite, qui augmente la capacité de rétention en eau du sol. Entre le paillage et le broyat, il existe plein de stratégies à mettre en œuvre simultanément pour faire en sorte qu'on ait pas mal d'input au niveau du sol et du design pour minimiser le travail nécessaire par la suite.
Dans un verger commercial, on plante entre 2000 et 4000 arbres par hectare, des arbres nains, taillés au lamier, tous de la même variété (donc là-bas on en aurait potentiellement 5000) avec de l'irrigation, des engrais, des poteaux, des fils. On coupe trois fois par an. et on a que des golden. Ici, on aura un rendement moindre mais on va sélectionner des variétés différentes en fonction de leur rusticité et la complémentarité de calendrier.
La zone 2, c'est l'endroit où l'on va mettre le plus de vigne entre ce pignon du manoir et la maison des cuisinières. C'est exposé plein Sud et abrité à l'Ouest d'où viennent les vents dominants et à l'est comme le pignon dépasse un peu du mur, nous sommes protégés. Avec le mur de trois mètres, on va profiter du soleil pour installer des plantations méditerranéennes : avec la pente, l'eau partira dans le bas de la prairie.
Les nuages sur le plan matérialisent des massifs végétaux basés sur concept de guilde végétale. Pour repère, la feuille d'érable, c'est le grand érable derrière qui a des branches cassées. On a une vue en plan de différents végétaux sélectionnés en fonction de la façon dont ils s'entendent et qu'ils occupent l'espace. On va profiter d'implanter au milieu un arbre plutôt méditerranéen.
Kumquat, citronnier meyer, poncirus trifoliata – un citronnier rustique qui résiste à -15° et pousse en Allemagne, azerolier de Provence, abricotier, amandiers, poiriers, vigne et figuiers : ce sont les grands arbres qui vont nous aider à structurer l'ensemble. Ça serait bien qu'on puisse récolter les figues sur la terrasse. Nous avons un trop-plein d'eau sur la terrasse qui débouche juste en-dessous. Privilégier ce qui aime chaud et l'humide comme les kiwaï et la mûre cultivée.
Tout le long du mur, on va alterner la vigne et la mûre afin que la vigne malade, ne transmette pas la maladie à la suivante. C'est de la prophylaxie, de la prévention des maladies. On fait monter la vigne assez rapidement sur le mur, de manière là aussi à n'avoir qu'à se pencher pour cueillir le raisin.
Les mûres poussent de deux à trois mètres par an et on peut les bouturer. Sur la façade avec les deux fenêtres des cuisinières, on va travailler avec deux variétés pour contenir les maladies : poirier sauvage greffé. Il est pyramidal, vertical pour le placer en espalier collé au mur (on a plus de huit mètres). Si on s'y prend bien, il n’ira pas taper dans la gouttière. On pourra alors plaquer l'échelle contre le mur pour récolter. Dans les buissons, différentes espèces, qui peuvent être des agrumes, des prunus (abricotier, amandier) du figuier nain.
Question : Comment s'articule la zone méditerranéenne avec la phytoépuration ?
L'idée de JF était de rallonger le tuyau. Et on a observé avec Dom qu'il y a deux creux successifs : c'est peut-être plus simple de tapisser d'argile, d'avoir des bassins successifs. On a quand même du bol. Massif B : on peut le remplacer par zone humide avec nos kiwis. Et quand on veut assécher, on apporte du sable.
Face à ce mur-là, on pourrait avoir un sandarium (sable et argile) : c'est une technique allemande pour créer artificiellement une zone sauvage, pour les guêpes et les abeilles solitaires terrestres rares. Elles arrivent à creuser facilement dedans pour pondre leurs œufs.
Question : on a un érable sucrier qui a tendance à accueillir des nids de frelons ?
Dans ce cas, pas besoin d'avoir des ruches pour polliniser les tomates…
Question : où vas-tu chercher tes végétaux ?
J'achète des grands lots de porte-greffes auprès de pépiniéristes. Sinon, je propage moi-même un peu de graines de pommes et des noyaux de pêchers avec un taux de réussite assez faible. Il existe aussi un réseau de pépiniéristes qui s'appelle Vegetal local.
J'achète les agrumes en Angleterre car je ne sais pas faire des porte-greffes de poncirus trifoliata (je prend le cultivar qui s'appelle flying dragon). Mais faut au moins 25° pour greffer. Un yuzu coûte 40 à 60 euros, c'est cher mais il résiste au gel jusqu'à -7 degrés, comme le combava (Réunion).
Allez voir chez Jurassic Plants en Angleterre : ils ont acclimaté du poivre, du raisin, des figuiers. On peut piocher chez eux car ça marchera ici aussi.(Note de Décembre 2020 : suite au Brexit, ils ne livrent plus sur le continent :( )
LE VERGER DU TUYA DORÉ
COMPOSITION DU VERGER :compositionvergerkerminy.ods
Arpentage du verger
fil ouest
Tirer un fil du piquet A (angle Sud-Ouest de la parcelle) jusqu'au fil B (décrochage de la haie Ouest)
fil aura
Aller aux coordonnées suivantes:
* Latitude: 47,985151 * Longitude: -3,8333192
Planter un piquet à ce point (coordonnées de l'ouverture à pratiquer dans la haie Ouest dans l'alignement du manoir)
Tirer un fil de ce point jusqu'au piquet situé 6m au dessus du piquet G (en face de chez Georges)
piquet Nord rang A
Aller au Piquet D : l'utiliser comme point de référence d'un compas à 33m
A l'intersection du fil diagonal et de ce compas: planter le piquet Nord du rang A
coordonnées calculées: 47.9849306, -3.8329152
piquet Sud rang A
Aller au Piquet A : l'utiliser comme point de référence d'un compas à 15m. Marquer l'emplacement de l'intersection du trait de compas avec le fil Ouest. Utiliser cette dernière intersection comme point de référence d'un compas à 15m.
Retourner au Piquet A : l'utiliser comme point de référence d'un compas à 24m
Le piquet Sud du rang A se trouve à l'intersection des 2 fils-compas.
Coordonnées calculées: 47.9839098, -3.8332181
fil de base Sud
Tirer un fil du piquet Sud rang A jusqu'au piquet H, à l'angle Sud-Est de la parcelle.
piquets Sud des rangs B à H (2 à 8)
Planter un piquet tous les 10m sur ce fil. Le dernier piquet doit être à 22m du piquet H d'angle Sud-Est.
fil du rang A
Tirer un fil du piquet Sud rang A vers le piquet Nord rang A
piquets Nord des rangs B à H (2 à 8)
Tirer un fil à 11,18m depuis le piquet Nord du rang A en direction du piquet 6m au dessus du piquet G en face de chez Georges. Répétez l'opération jusqu'au piquet Nord du Rang H. En théorie, ce dernier se trouve à 27m du piquet G. Les fils des 2 rangs les plus à l'ESt ( G & H) peuvent être prolongés à l'oeil jusqu'à 10m de la lisière du bois au Nord-Est. Pour ce faire, on tire un fil entre les piquets E et F, et au décamètre, on essaye de tracer une perpendiculaire à ce dernier fil. Là où se croisent les fils du rang et de la perpendiculaire, s'arrête le rang. On y met un piquet.
mise en place des rangs
On tire ensuite les fils de nos 10 rangs. On pose ensuite un piquet à 5m au nord des piquets Sud pour les rangs B, D, F , G et H
repérage du passage piétons
On tire un fil partant du piquet B jusqu'à un piquet situé à la bordure Est (grosso modo, aligné avec la haie au nord du terrain de Georges). A chaque croisement de ce fil avec le rang, on accroche un fil de laine d'une couleur A et un autre d'une couleur B 2m plus au sud.
bravo !
L'arpentage est achevé: Vous pouvez tirer les bottes et mettre les cirés à sécher ;)
suite de l'itinéraire technique
préparation du rang
* passer le rotovator (largeur 1m jusqu'à 1,2m) coté Est du fil de chaque rang (à droite quand on rentre dans la parcelle par l'accès actuel).
* passer la butteuse à patates de telle sorte qu'on crée un billon de 15-20cm de haut sur 80cm de large. Faire attention à ne pas retasser le sol en restant dans les passages de roue
* apporter les amendements (basalte micronisé, brisures de coquille d'huitre) à la main, griffer superficiellement.
* on apportera un peu de fumure bien décomposée, ainsi que du compost avec de l'argile bentonite que l'on mélangera dans le trou lors de la plantation. Doses: 10kg d'argile, une petite pelle de fumier, bien plus de compost.