Les outils anciens présents dans les fermes et vieilles batisses, souvent oubliés et entassés dans le fond des granges ou sous des piles d’objets, désignés comme inutiles ou inutilisables, furent les piliers de nos aïeux quand à l’entretient et la mise en forme de notre paysage rural bocagé ou du moins ce qu’il en subsiste aujourd’hui.
Chaque outil, singulier par sa forme amène à la curiosité de sa fonction. Nous avons perdu l’usage de la plupart de ces outils, les gestes à faire lors de leur utilisation ainsi que leur histoire. Pourquoi avons-nous cessé de les employer, conserver et entretenir, à leurs détriments ?
Cette recherche / restauration expérimentale à Kerminy à pour but d’élaborer de nouvelles façons d’interagir avec ces outils au travers du méandre végétale qui arbore et compose le domaine. Redécouvrir, réinventer gestes et usages, art et artisanat au sein de ce petit territoire, héritier de pratiques anciennes et vernaculaires dont les traces visibles existe encore parmi les haies, bosquets, taillis et chemins qui la compose.
Chaque outil se compose d’un fer et d’un manche en bois, l’atelier de Kerminy permet la restauration du métal et la fabrication de manches.
Ceux-là ont besoin d’un entretient scrupuleux, en effet ces «vieilles rouilles» sont souvent perçues comme sales et inadéquates, à contrario des machines à moteurs ou éléctriques. Redonner de la préciosité au delà de l’état d’utilisation donne une valeur esthétique personnelle et un rapport sensible à l’objet. Savoir d’où vient l’objet, à quoi il sert et comment s’en servir ? Passer de sa fabrication à son utilisation augmente sa richesse, il passe de mains à mains, se meut variablement au gré des usagers. Sa forme se modifie , son fer s’érode, se tord et son manche se creuse, se durcit, se mouille et s’assouplit. Le temps influence l’outil ; bois et fer réagissent différament à l’humidité et la chaleur. La précision des coups dans la force et la douceur de l’outilleureuse font de l’outil l’extension de son bras, de son corps.
User de ce genre d’objet amène aussi la notion de temps, une machine irait plus vite, mais elle nous éloigne de l’action et surtout du vivant que l’on touche, tandis que l’outil manuel est lien avec le vivant, de part le son (non motorisé) du contact lors de la coupe, et le ressentit physique des chocs qui se diffusent d’abord dans la main puis dans tout le corps. Plus à l’écoute des arbres et arbustes, il est aisé de lever la tête et d’observer le spectacle en cours, celui de la coupe, de la taille, du faire à l’image de, du maintient des formes, des lignes et des volumes, celui de la lutte antropique.
C’est une expérimentation physique, une reflexion matérielle, une sculpture sculptante, un outils anthropologique ; des geste et des formes, un recueil d’usages, qui pour l’instant est une recherche tant dans le champs de l’art que celui de l’agriculture.